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le bon air et de juger de la langue, » il leur dénie absolument « la force d’esprit nécessaire pour pénétrer au delà de l’écorce des choses et en percer le fond. » Moins indulgent encore, La Bruyère ne leur attribuait d’autre supériorité que celle du genre épistolaire « en raison de l’art qu’elles possèdent de faire lire dans un seul mot tout un sentiment et de rendre délicatement une pensée délicate. » Les femmes savantes l’impatientaient : il les compare à « une pièce de cabinet que l’on montre aux curieux, qui n’est point d’usage, qui ne sert ni à la guerre, ni à la chasse, non plus qu’un cheval de manège, quoique le mieux instruit du monde. » Quant aux ignorantes, il se refusait à les plaindre : qui les empêche d’ouvrir les yeux, de lire, de retenir ce qu’elles ont lu et de se rendre compte ? Saint-Évremond est peut-être le seul moraliste de cette période dont le ton tranche sur ce fond de critique chagrine. « Rien n’échappe à la pénétration de la femme » dont il trace le portrait : « son discernement ne laisse rien à désirer ; c’est une raison qui plaît et un bon sens agréable. » Il est vrai que ce portrait est celui de « la femme qui ne se trouve point et qui ne se trouvera jamais. » Les femmes elles-mêmes étaient devenues sévères pour leur sexe. Ce n’est point seulement contre les hommes que Mme de Maintenon s’attache à mettre en garde les élèves de Saint-Cyr : elle se défie du caractère des femmes. Elle n’a pas beaucoup plus de confiance dans leur esprit : « Jamais, disait-elle — après la réforme de 1691, il est vrai — jamais elles ne savent qu’à demi. »

Fénelon n’a point de ces rigueurs. Il ne porte dans ses jugements aucune complaisance ; il connaît le penchant