quatre mille livres qu’il tenait de son oncle l’évêque de Sarlat ; et, s’il faut en croire Saint-Simon, cette médiocre fortune lui était un obstacle ; en réalité elle ne faisait peut-être que servir son caractère et ses desseins. Au milieu des relations qui le recherchaient, il évitait de se lier. L’archevêque de Paris, M. de Harlay, craignant de le voir s’attacher à Bossuet, dont il redoutait l’autorité, eût aimé à lui faire dans sa confiance une place à part ; Fénelon se dérobait, au risque de s’attirer un reproche qui pouvait sembler une menace : « Monsieur l’abbé, lui dit un jour l’archevêque, vous voulez être oublié : vous le serez. »
Tout ce travail de recueillement, de prédication intime, d’action discrètement pénétrante, de tenue supérieure dans le monde comme au couvent, n’allait pas d’ailleurs sans d’heureux tempéraments de jeunesse et de gaieté. Fénelon avait naturellement l’esprit riant. Le vif ressouvenir des disgrâces qui traversèrent sa vie ne paraît point avoir jamais altéré ce fond d’enjouement ; on en peut suivre la veine légère dans ce qui nous reste de ses premiers écrits. Deux lettres particulièrement nous en ont conservé le témoignage. Elles sont l’une et l’autre datées de Sarlat et de l’année où Fénelon avait dû se rendre auprès de son oncle pour recueillir le prieuré de Carénac (mai et juin 1681) ; toutes deux aussi sont adressées à une cousine, la marquise de Laval. Dans la seconde, Fénelon lui rend compte d’un plaidoyer qu’il a entendu à l’audience publique du tribunal de Sarlat. La première est le récit de son entrée magnifique dans la province. « M. de Rouffillac pour la noblesse, dit-il ; M. Roze, curé, pour le clergé ; M. Rigaudie, prieur des moines, pour l’ordre monastique,