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l’exposait : son âge et l’âge de Roland, sa beauté, son intelligence, le bouillonnement des sentiments provoqués ou excités par les émotions de la Révolution. Parmi ceux dont l’admiration paraît ne lui avoir pas été insensible à ce moment, Lanthenas est celui qui semble avoir laissé le moins de traces dans son souvenir. Elle eut davantage à se défendre contre Bancal des Issarts. Ébranlée, elle se rend compte du trouble qui l’agite : « Ma volonté est droite, dit-elle, mon cœur est pur, et je ne suis pas tranquille. » Mais elle ne tarde pas à se raffermir. Bancal des Issarts était parti pour l’Angleterre. À la veille de le voir revenir, elle prend ses assurances. « Rappelez-vous, lui écrit-elle, que, si j’ai besoin du bonheur de mes amis, ce bonheur est attaché pour ceux qui pensent comme nous à une irréprochabilité absolue : voilà le point où j’espère que nous nous retrouverons toujours… » C’est de Buzot que vint l’assaut le plus rude : la grâce de Buzot, « son esprit fier, ses pensées énergiques, ses avis sages » l’avaient touchée. Dans sa droiture elle s’en était ouverte à son mari, et elle soutient énergiquement la lutte avec elle-même. « Je ne vois le plaisir, disait-elle, que dans la réunion de ce qui peut charmer le cœur comme les sens et ne point coûter de regrets. Avec une telle manière d’être, il est difficile de s’oublier et impossible de s’avilir ; mais cela ne met pas à l’abri de ce qui peut s’appeler une passion, et peut-être même reste-t-il plus d’étoffe pour l’entretenir. » Elle tient du moins cette passion enfouie au fond de son cœur. Dans ses Mémoires, elle qui en tout le reste a la confession si facile, il semble qu’elle n’ose point s’ouvrir sur le sentiment qui la domine. À trois reprises on dirait qu’elle va