Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/383

Cette page n’a pas encore été corrigée

pas sur le chemin de la vérité. » Toutes les réflexions de Mme Roland ont ce caractère de simplicité et cet accent de sagesse. Pas plus que Mme Necker, elle n’exalte l’héroïsme et les grands élans de vertu ; c’est l’éducation quotidienne de la lutte avec soi-même qu’elle préconise. « Pour être bon, écrivait-elle à Sophie Cannet, il faut de l’opiniâtreté et de la force ! Si le sentiment prépare à la sagesse, c’est la raison seule qui en fonde l’habitude et en fait la durée. » Elle définit la vertu la justesse d’esprit appliquée aux mœurs. Ses dernières instructions à sa fille se résument en ces deux mots : « qu’elle s’assure une vie active et réglée. »

III

Cette fermeté et cette précision de raison sont le fonds même de la force morale que, par un effort persévérant de réflexion et de volonté, Mme Roland était arrivée à se créer.

Au premier abord, à l’entendre, il semble qu’elle soit toute d’abandon et de passion. Elle entretient volontiers ses amis de ses sentiments qu’elle aime à verser, de son âme qu’elle se plaît à répandre, de sa mélancolie qui déborde ; elle parle avec le même naturel de la belle humeur qui l’emporte, de la joie qui l’enivre ; un rayon de soleil change le cours de ses idées : que, par une jolie matinée de printemps, au moment où elle va clore une lettre grave, sa cousine se présente qui lui propose de l’emmener en promenade, « son imagination galope, sa plume