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tension d’esprit que ne comporte point la finesse de leurs ressorts. Elle compte sur leur pénétration naturelle, « sur cette sorte de science infuse supérieure en tant de points au savoir acquis des hommes et qui a fait justement dire de la plupart d’entre eux ce que Claire écrivait de Volmar : il aurait mangé tout Platon et tout Aristote sans deviner cela. » Elle ne croit point d’ailleurs que la société ait rien à gagner à pousser les femmes dans les voies de l’étude pour l’étude. « Nous sommes plus utiles, disait-elle, par nos vertus que par nos connaissances. » L’instruction pour elle est moins un développement des forces intellectuelles qu’un moyen de culture morale. La morale représente à ses yeux la science des femmes par excellence, parce que c’est celle « dont l’application à la pratique est journalière et perpétuelle. » Rousseau recommandait à Sophie d’observer, non l’homme en général pour apprendre à connaître l’humanité, mais les hommes au milieu desquels elle était appelée à vivre pour s’exercer à s’en servir et à en jouer. C’est l’homme qu’avec un sens de la réalité plus sûr et plus noble Mme Roland veut que les femmes étudient. « Destinées à faire le bonheur — le bonheur, non le plaisir — d’un être imparfait, il faut qu’elles connaissent sa nature et ses défauts, ses passions et ses faiblesses, les moyens d’employer les uns à l’avantage commun et de prévenir les malheurs où peuvent conduire les autres… Chargées de l’éducation dans le jeune âge, où se font les premières et les plus fortes impressions, elles ont besoin de connaître les moyens de rendre leurs corps sains et robustes, de développer leur intelligence, de l’aider dans ses progrès, de l’éclairer dans sa marche et de le mettre dès les premiers