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de façon à déterminer leur sensibilité vers des objets dignes de l’exercer. »

Mais par quels moyens les pourvoir de cette force qui, en leur laissant leurs grâces naturelles et sans les faire sortir de leur rôle, les préserve et les élève ? Par l’habitude du travail et l’exercice de la raison. On n’attend pas de Mme Roland un programme d’études. Elle avait appris à sa fille l’italien et l’anglais ; elle aurait voulu lui inculquer le goût des beaux-arts, le dessin et la musique, non pas tant « pour lui faire acquérir un talent distingué que pour lui faire contracter le besoin de l’application et multiplier ses moyens d’occupation : c’est ainsi qu’en échappant à l’ennui, la plus cruelle maladie de l’homme en société, les femmes se garantissent des écueils du vice et des séductions plus redoutables que le vice. » Voilà tout ce que nous trouvons d’un peu précis dans la direction de l’éducation qu’elle avait commencé à donner à sa fille : il est vrai qu’à moins de douze ans elle en était séparée. Mais en général, chose remarquable, cette femme insatiable de savoir prise peu le savoir pour les femmes[1] ; cette infatigable raisonneuse, qui, dans les sciences abstraites comme dans les matières philosophiques, poursuit la solution des problèmes les plus ardus ou les plus délicats et ne s’arrête que lorsqu’elle est arrivée à faire dans son esprit la lumière, interdit presque aux femmes les sciences de spéculation par le motif qu’elles exigent une

  1. « Il y a des gens qui sont bêtes à force de science, disait-elle d’une manière générale : tant de noms, de faits, de pratiques sont entassés dans leur tête, que leur génie naturel en a été étouffé. Leur conversation est un répertoire de ce qu’ils ont lu, sans être jamais l’expression de ce qu’ils ont raisonné ; il fait bon de se servir d’eux comme d’un dictionnaire, mais il faut chercher ailleurs l’être pensant et réfléchi. »