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que l’un m’était aussi naturel que l’autre. » Il semble qu’elle ne fût faite que pour cette vie recueillie, modérée, heureuse, pour ce rôle de « providence intérieure » qu’elle aimait entre tout[1].

Cette destination de la femme tout à la fois aimable et austère, si supérieure à celle que lui assignait Rousseau, Mme Roland ne la justifiait pas seulement par son exemple : elle l’appuyait de tous les raisonnements que lui suggéraient la réflexion et l’expérience. En 1776 l’académie de Besançon avait proposé pour sujet de prix la question de savoir comment l’éducation des femmes pouvait contribuer à rendre les hommes meilleurs. Elle avait concouru incognito, sans mériter le prix. Ses conclusions ne se rattachaient à rien moins dans son esprit, paraît-il, qu’à un plan général d’organisation sociale. Mais son discours avait simplement pour objet de « montrer comment il lui semblait que les femmes doivent être, » et, en dehors de cette dissertation qui n’est qu’une œuvre académique, trop souvent froide et ampoulée, c’est un point qu’elle traite assez souvent dans sa correspondance pour qu’il soit facile de se faire une idée de sa manière de voir.

Prenant corps à corps la doctrine de Rousseau, elle considérait

  1. « Personne ne définissait mieux qu’elle les devoirs d’épouse et de mère, dit dans ses Memoires le comte Beugnot, — un adversaire qu’elle avait désarmé, — et ne prouvait plus éloquemment qu’une femme rencontrait le bonheur dans l’accomplissement de ces devoirs sacrés. Le tableau des jouissances domestiques prenait dans sa bouche une teinte ravissante et douce ; les larmes s’échappaient de ses yeux lorsqu’elle parlait de sa fille et de son mari (on sait que c’est dans sa prison que le comte Beugnot l’avait connue) : la femme de parti avait disparu ; on retrouvait une femme sensible et douce, qui célébrait la vertu dans le style de Fénelon. »