Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/376

Cette page n’a pas encore été corrigée

je donc au monde pour dépenser mon existence en soins frivoles, en sentiments tumultueux ? Ah ! sans doute, j’ai une meilleure destination. Cette admiration qui m’enflamme pour tout ce qui est beau, sage, grand et généreux, m’apprend que je suis appelée à le pratiquer ; les devoirs sublimes et ravissants d’épouse et de mère seront un jour les miens ; c’est à me rendre capable de les remplir que doivent être employées mes jeunes années : il faut que j’étudie leur importance, que j’apprenne, en réglant mes propres inclinations, comment diriger un jour celles de mes enfants ; il faut que, dans l’habitude de me commander, dans le soin d’orner mon esprit, je m’assure les moyens de faire le bonheur de la plus douce des sociétés, d’abreuver de félicités le mortel qui méritera mon cœur, de faire rejaillir sur tout ce qui nous environnera celle dont je le comblerai et qui devra être tout entière son ouvrage ! » Ce ne sont pas précisément là les rêves de Sophie. Encore moins faut-il chercher quelque rapport entre les dramatiques incidents des Solitaires et la sérénité des occupations dans lesquelles Mme Roland cherche et trouve la réalisation de son idéal. Sans qu’elle s’isole de personne, ni se désintéresse de rien (le mouvement du monde ne l’a jamais laissée indifférente), ce qui remplit sa vie, c’est l’éducation d’Eudora et sa participation journalière aux travaux de son mari. Une des lettres si reposées qu’elle écrivait du Clos (23 mars 1785) la montre dans toute l’activité de la vie de famille, s’occupant au sortir du lit de son enfant et de son mari, faisant lever l’un, préparant à déjeuner à tous deux, puis les laissant ensemble au cabinet, tandis qu’elle va elle-même donner son coup d’