d’y mettre un peu d’ordre et de lumière et d’arriver à marquer les points où elle se sépare de son maître, parfois sans en avoir la pleine conscience, le plus souvent en le combattant directement.
Tout en se faisant sa vie propre, Mme Roland s’était toujours accommodée aux conditions de la vie commune. Elle a peint à ravir le mélange de vanité et de bon sens qui caractérisait les mœurs de la bourgeoisie de son temps : ses promenades aux Tuileries le dimanche, ses visites de famille aux fêtes carillonnées et au premier de l’an en robe de cour à queue ornée de chiffons, et ses modestes courses de la semaine au marché ou dans les magasins en petit fourreau de toile : « cette petite personne, qui paraissait les grands jours dans un costume qu’on aurait pu croire sorti d’un équipage et dont l’apparence était fort bien soutenue par son maintien et son langage, » allait seule acheter à quelques pas de la maison le persil ou la salade que la ménagère avait oubliés ; cette enfant qui lisait tant d’ouvrages de haut vol était appelée à la cuisine pour y faire une omelette, éplucher des herbes ou écumer le pot. Cela ne lui plaisait pas toujours ; mais elle n’en témoignait rien, et elle mettait aux choses tant de politesse et de bonne grâce, qu’elle emboursait le plus souvent sur son passage quelque compliment. L’habitude de la simplicité lui en était restée. Jusque dans sa prison Mme Roland s’obligeait à « faire sa chambre, » à tenir ses effets en ordre, à disposer ses livres et ses cahiers, à soigner ses fleurs. Elle a toujours eu la coquetterie de « son domestique. » Chargée de gouverner la maison après la mort de sa mère, « il fut un temps, disait-elle, où je ne me trouvais contente qu’