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idée pour se purger le cerveau. » Elle n’avait point de plan, point d’autre but que de connaître et de s’instruire. La poésie, l’histoire et la philosophie ne suffisant plus à nourrir « son imagination vorace, » elle avait appelé à son aide l’algèbre et la géométrie. Sa chère Cannet, qu’elle tenait au courant de toutes ses études, riait sans doute de la voir suer sur un calcul, tourner autour d’un problème après avoir commencé une chanson ou fait à perte de vue des raisonnements sur l’existence de Dieu ; elle reconnaissait elle-même qu’elle avait souvent « l’esprit à la débandade » ; mais rien ne pouvait apaiser ce besoin d’apprendre. Que de fois « elle avait été tentée de prendre une culotte et un chapeau pour avoir la liberté de chercher et de voir de près le beau de tous les talents » ! — Rousseau, en écoutant cette confession, aurait-il été plus touché de la curiosité généreuse de cette âme ardente, que troublé de l’activité désordonnée et fiévreuse où elle se complaisait : à coup sûr, il n’y aurait pas reconnu les principes de l’éducation de Sophie.

À la vérité, Mme Roland n’aurait pas fait difficulté de déclarer elle-même au premier mot que, sans rien regretter de la façon dont ses études s’étaient trouvées conduites, elle était loin de se donner en exemple ; elle sentait bien qu’elle était une exception, non un modèle. Mais c’est le fond même de son système où Rousseau n’aurait retrouvé en elle ni lui-même ni sa doctrine.

Il en est des idées de Mme Roland sur l’éducation des femmes comme de sa propre éducation : il n’y faut pas chercher une logique bien serrée ; elles sont dispersées et un peu confuses. Cependant il n’est pas impossible