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propre fonds de plus exquis. En s’appropriant ces préceptes de la sagesse profane, le christianisme les avait, pour ainsi dire, pénétrés de tendresse. Les Lettres de saint Jérôme à Læta sur la manière d’élever sa fille, et à Gaudentius sur l’éducation de la petite Pacatula, respirent un véritable amour de l’enfance en même temps qu’une connaissance éclairée de ses besoins, et tout le Moyen Age n’a guère fait qu’appliquer les règles que saint Jérôme avait tracées pour les couvents. En dehors des couvents, les habitudes de famille que nous laisse entrevoir au quatorzième siècle le Ménagier de Paris révèlent, à défaut de grandes lumières, des sentiments honnêtes et doux. Cependant les troubadours et les trouvères avaient modifié les mœurs et à l’idéal monastique fait succéder l’idéal chevaleresque. À la Renaissance, Érasme et Vivès déclaraient hautement les femmes susceptibles de la culture la plus élevée ; on les égalait aux hommes ; on les plaçait même au-dessus : telle est du moins la thèse que soutiennent Corneille Agrippa, Brantôme et toute la suite des poètes attachés à Marguerite de Valois. Avec le dix-septième siècle, le débat change encore une fois de caractère. C’est dans les académies, les salons et les ruelles que Mlle de Gournay et Mlle de Scudéry aspirent à faire une place à leur sexe, toutes prêtes d’ailleurs à la conquérir elles-mêmes par le travail, à ne rien ménager pour assouplir leur esprit aux exercices littéraires les plus subtils et perfectionner leur raison[1].

Il ne serait donc pas exact de dire du traité de Fénelon ce

  1. Pour l’ensemble de la question, on nous permettra de nous référer à notre Mémoire sur l’Enseignement secondaire des filles, Paris, Delalain, 3e édition, 1883.