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Rousseau aurait pu plus justement réclamer une part d’influence dans le développement du goût si vif que Mme Roland avait pour les choses de la nature. Quel que soit le talent qu’il déploie dans la peinture des affections domestiques, on éprouve toujours quelque pudeur à le prendre pour patron des vertus qu’il pratiquait si peu. Il n’en est pas de même de l’amour de la nature. Là son imagination ne fait qu’animer son style des émotions dont il est rempli. Quand, à son retour de Turin, il retrouve Mme de Warens qui le reçoit chez elle, de la chambre qu’elle lui avait donnée il voit des jardins et découvre la campagne : « C’était, depuis Rossey (où il avait été en pension dans son enfance), c’était la première fois, dit-il avec un ravissement inexprimable, que j’avais du vert devant mes fenêtres. » Ces sensations, nous les retrouvons dans Mme Roland aussi profondes, aussi sincères que chez son maître. Enfant de Paris, enfant de la Seine, comme elle disait, elle aimait et elle a merveilleusement décrit « le beau quartier de l’Île Saint-Louis, » où jadis Abélard avait aimé Héloïse et où, soir et matin, elle contemplait « les gracieux contours de la rivière, les quais tranquilles, la campagne fuyant à l’horizon, les vastes déserts du ciel et sa voûte magnifiquement dessinée depuis le levant bleuâtre par delà le Pont au Change, jusqu’au couchant doré derrière les arbres du Cours et les maisons de Chaillot. » Sous les verrous de l’Abbaye il suffisait d’un rayon de cette douce lumière qu’avant de mourir elle devait saluer comme l’Iphigénie antique, pour rendre le ressort à son âme un instant détendue et fléchissante. Les plus aimables souvenirs de sa jeunesse sont ceux des promenades qu’elle faisait le