Ce sentiment personnel l’entraîne. Il est rare qu’on gagne à parler de soi et qu’en donnant satisfaction à la curiosité d’autrui on ne s’expose pas à en trop dire. C’est pour la postérité que Mme Roland écrivait dans sa prison. Elle tenait à se présenter elle-même devant l’histoire, et aucune indication ne lui répugne pour se faire connaître. En cela encore, c’est un disciple de Rousseau, dont elle se donne les franchises. Certaines pages de ses Mémoires rappellent les hardiesses blessantes des Confessions. Au sujet de ses avantages physiques, des crises de sa santé, de ses émotions les plus intimes, Mme Roland entre dans des confidences qu’on ne lit pas sans embarras. N’était-ce pas beaucoup présumer de soi que de croire utile d’intéresser l’histoire à ces détails physiologiques ? Ainsi en est-il de certains renseignements d’un tout autre caractère, sinon d’une plus grande portée ? Faisant les honneurs de sa personne, en bien et en mal, sans réserve, Mme Roland ne croit pas devoir se gêner davantage pour le compte d’autrui : père, mère, amis, parents, maîtres, mari. Si elle ne les décrit pas, suivant le mot de Rousseau, « à toute rigueur, » ce n’est point par leurs beaux côtés qu’en général elle les représente.
Qu’elle esquisse les personnages politiques de son salon en pleine liberté ; qu’elle montre peu de goût pour Vergniaud et l’égoïsme de sa philosophie, ou pour Chénier et les fleurs de sa rhétorique ; qu’elle exalte Buzot, admire Louvet, Brissot et Pétion, aime Champfort et Dusaulx, déteste Pache, Danton et Robespierre, elle ne fait en cela qu’exercer avec courage et sagacité un droit acquis au prix de sa vie. D’autre part, lorsqu’elle nous introduit