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a pas la force de les soutenir ni le moyen de les racheter. » Le spectacle de la Révolution qui se précipite et la réflexion l’ont instruite ; elle discerne ses erreurs et ses entraînements. Portée par tempérament d’esprit vers les idées républicaines, entretenue par la lecture de Plutarque dans le culte de Rome et de la Grèce, rattachant à cette sorte de religion tous ses rêves de transformation sociale, elle ne répudie « même dans les fers » aucun des principes sur lesquels elle avait fondé tant d’espérances ; mais elle rejette franchement ou laisse tomber de ces espérances tout ce qu’en a condamné l’observation de la nature humaine éclairée par la cruelle réalité. « Autrefois dans mes lectures, écrit-elle, je me passionnais pour les réformateurs de l’inégalité ; j’étais Agis et Cléomène à Sparte ; j’étais les Gracques à Rome, et, comme Cornélie, j’aurais reproché à mes fils qu’on ne m’appelât que la belle-mère de Scipion. Je m’étais retirée avec le peuple sur le mont Aventin et j’avais voté pour les tribuns. Aujourd’hui que l’expérience des choses et des hommes m’a appris à tout peser avec impartialité, je vois dans l’entreprise des Gracques et dans la conduite des tribuns des torts et des maux dont je n’avais point été assez frappée. » Ces rectifications qui témoignent du travail accompli sur elle-même par une pensée élevée et sérieuse, ne sont pas rares sous la plume de Mme Roland, tant dans ses Mémoires que dans les lettres adressées, au jour le jour, à ses amis les plus intimes, et elles garantissent la sincérité absolue des sentiments auxquel elle est demeurée fidèle.

Or elle n’en a point de plus ferme ni de plus vif que celui qui l’anime contre ce qu’elle appelle les iniquités