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Tous les ouvrages de Mme Roland — Œuvres de loisir et réflexions diverses, Lettres aux demoiselles Cannet, à Bosc et à Bancal des Issarts, Mémoires, Dernières pensées — ont ce caractère commun que c’est d’elle avant tout qu’ils nous entretiennent, elle dont ils tracent l’exact portrait. En lisant le plus considérable de tous, les Mémoires, il ne faut jamais oublier sans doute qu’en même temps qu’une justification de sa vie ils étaient pour elle une préparation à la mort. « Je vous écris, dit-elle à un de ses amis, avec une plume qui écrira peut-être bientôt l’ordre de m’égorger. » Ces souvenirs lointains qu’elle évoque lui apparaissent à travers les grilles de l’Abbaye, et elle éprouve à les retracer cette sorte de « raidissement que de tout temps elle avait senti s’opérer en elle aux moments solennels » ; mais ce raidissement même contribue à lui donner la force de se ressaisir avec bonne foi dans ses impressions. Si parfois elle se drape, ou si ça et là — par une ressemblance de plus avec le maître qu’elle s’est donné d’instinct — la déclamation l’emporte, ce n’est jamais au détriment de la vérité soit des faits qu’elle rappelle, soit des sentiments qu’elle y relie. En se peignant d’ailleurs à elle-même et aux autres telle qu’elle se voit, elle se juge. « Celui qui n’ose se rendre témoignage à soi-même, disait-elle, est presque toujours un lâche qui sait et craint le mal qu’on pourrait dire de sa personne, et celui qui hésite à avouer ses torts n’