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MADAME ROLAND



Si instructives que soient les critiques de Mme d’Épinay et de Mme Necker, je ne crois pas que, parmi les témoignages qui attestent à la fois la subtile et vivace influence des idées de Rousseau et les résistances ou les inquiétudes qu’elles provoquaient chez les femmes, il y en ait de plus intéressant que celui de Mme Roland. Manon Phlipon a été le disciple des doctrines philosophiques et sociales de Jean-Jacques sans les connaître ou avant de les avoir connues : tant l’action qu’elles exerçaient s’était étendue et avait comme enveloppé les esprits ! Elle venait d’accomplir ses vingt et un ans[1], âge presque avancé pour elle, chez qui, suivant sa propre observation, « tout fut prématuré, » lorsqu’un ami, l’abbé Legrand, désespérant de calmer la douleur que lui avait causée la mort de sa mère, « imagina de lui apporter l’Héloïse. » « J’ai bien envie de faire remarquer, disait-elle à ce sujet, — en rappelant ses innombrables lectures d’enfance et de jeunesse, — que dans cette foule d’ouvrages que le hasard ou les circonstances avaient déjà fait passer dans mes mains, il n’y a point encore de Jean-Jacques : c’est qu’effectivement je l’ai lu très tard. » Les Lettres écrites de la montagne et

  1. Mme Roland, née à Paris en 1754, est morte sur l’échafaud le 9 novembre 1793.