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ce monde… Pour moi, j’ai toujours présenté à mes enfants la vie telle qu’elle est, et je ne me suis servie d’aucune ruse avec eux. » Initier la jeunesse à ce que le monde réel offre de plus pur, éviter de lui créer un monde factice, voilà les règles qu’elle était arrivée à se faire, en opposition avec ses premiers entraînements ; elle n’hésitait pas à condamner « tous les systèmes extraordinaires. »

Si l’étude de l’Allemagne dut achever de déterminer cette réaction dans l’esprit de Mme de Staël, c’est sans aucun doute dans les entretiens de sa mère qu’elle en avait recueilli les premiers germes. Ce que la doctrine de Rousseau contenait de rêveries blessait la raison de Mme Necker et gênait sa probité naturelle. Elle supportait impatiemment ses écarts de morale ; elle était plus sensible encore à ses affectations de vertu. Vous seul avez la réalité de ce qu’il ne sait que peindre, disait-elle à Thomas. C’est au développement des qualités de fermeté, de droiture et de sagesse qu’elle ramenait toute l’éducation chez les femmes comme chez les hommes. Dubucq, l’ami dont elle rappelle si souvent le témoignage, résumait ses préceptes en ces trois mots : ordre, justesse et mesure. Elle avait elle-même écrit en l’honneur de la mesure une sorte d’hymne à sa façon : « Le goût, le jugement, la grâce, le talent d’écrire, le talent de peindre, celui de raconter, en un mot tous les agréments, tous les avantages de l’esprit ont besoin de mesure ou en dérivent presque entièrement. — La médecine, la chirurgie, la peinture, le dessin, l’architecture, les modes, en un mot toutes les sciences, tous les arts mécaniques, tout ce qui tient à l’adresse du corps et à ses facultés a besoin de mesure ou en dérive presque