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de celle d’un autre, y a-t-il beaucoup d’hommes qui dussent regretter cet emploi de leur temps ? » Elle ne trouvait pas de formule à son gré pour louer « cette éducation sans ruse et sans despotisme, qui traite l’enfant comme un homme faible, et non comme un être dépendant. » Ce type sans précédent et sans égal fût-il trop élevé, il fallait « l’étudier comme ces modèles de proportions que les sculpteurs ont toujours devant les yeux, quelles que soient les statues qu’ils veulent faire. » Plus tard, l’expérience avait refroidi, presque éteint ce beau feu. Sous les théories séduisantes, Mme de Staël avait senti la chimère. Elle avait reconnu « qu’un enfant resté, comme Émile, absolument ignorant jusqu’à l’âge de douze ans, aurait perdu six années précieuses et que jamais ses organes intellectuels n’acquerraient la flexibilité que l’exercice dès la première enfance pouvait seul donner. » Quant aux maîtres, où les trouver, alors que chaque homme serait obligé de consacrer sa vie entière à l’éducation d’un autre ? Il n’y aurait que les grands-pères qui se trouveraient libres de commencer une carrière personnelle. » Elle revendiquait au profit de l’enfant la peine et l’effort, « la peine en tout genre étant un des secrets de la nature, l’esprit devant s’accoutumer au travail comme l’âme à la souffrance. » Elle protestait contre la nécessité aveugle incessamment invoquée par Rousseau pour briser la volonté naissante ; elle déplorait surtout l’emploi des artifices. « On ne saurait assez proclamer, écrivait-elle, combien, dans l’éducation comme dans tout le reste, la bonne foi rend tout facile : on devrait bien lui accorder tous les honneurs qu’obtient l’habileté, car, en résultat, elle s’entend mieux aux affaires de