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on oublie trop que « l’attention est comme l’aimant qui, suivant le côté qu’on lui présente, se précipite vers l’objet ou s’en détourne. » En outre elle n’estimait pas que les enfants pussent jamais être bien instruits autrement que par eux-mêmes, c’est-à-dire en s’assimilant ce qui est en rapport avec leur tempérament ; c’est en ce sens qu’elle dit : « Tout ce qu’on leur apprend, on les empêche de le savoir. » Enfin, se rapprochant sur ce point de Mme de Lambert, elle craignait qu’on ne gâtât tout en les aimant trop : elle avait remarqué qu’ils ne savent ordinairement que peu de gré de nos sollicitudes : « Ce sont de jeunes branches qui s’impatientent contre la tige qui les enchaîne, sans penser qu’elles se flétriraient si elles en étaient détachées. » Sur la mesure des connaissances bonnes à la jeunesse, elle tirait sa règle, non de son expérience personnelle ou de celle de sa fille, mais de l’observation de la capacité commune. Elle écartait résolument tout ce qui avait des prétentions à la science ou à la métaphysique[1]. Pour la jeune fille, prise dans l’ordinaire, ce qu’elle considère comme utile, c’est — avec les langues, la littérature et la morale, l’histoire — l’hygiène, un peu de physique expérimentale et les éléments de la médecine :

  1. On ne rapprochera peut-être pas sans intérêt ce programme de celui de Mlle Clairon dont Mme Necker goûtait le tour d’esprit. « Notre sexe est physiquement et moralement si faible, écrivait Mlle Clairon à une de ses amies, notre éducation si négligée, nos toilettes, nos passions, nos petites intrigues nous prennent tant de temps, que j’ai toujours envie de rire lorsque je vois une femme afficher l’esprit fort. Il nous est permis sans doute de réfléchir ; la grandeur du courage peut se trouver en nous au point le plus éminent ; mais les grandes questions de métaphysique sont infiniment au-dessus de nos lumières et de nos forces. Notre partage est l’honnêteté, la douceur, l’humanité, les grâces ; les connaissances aimables sont les seules que nous devons rechercher. »