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à me faire paraître plus belle qu’elle dans dix ans d’ici. » Et pour achever d’assurer sur les âmes la prise de cette sagesse prévoyante et suivie, elle plaçait au premier rang parmi les éléments du bonheur humain le besoin de la perfection.

Perfection d’une réalisation difficile, comme tout ce qui dépasse la portée vulgaire, mais à laquelle on peut s’élever graduellement. Mme Necker n’excite pas aux efforts extraordinaires, aux élans sublimes. Elle ne fait fond que sur les moyens simples appliqués avec réflexion et continuité. L’attention et l’habitude sont pour elle les deux plus puissants intruments d’éducation. « Quand on ne travaillerait tous les jours que deux heures, on ferait encore un ouvrage immense, pourvu qu’on s’imposât la loi de n’y jamais manquer. » Ce qui déconcerte l’esprit, c’est le désœuvrement ; la distraction prolongée le tue. Seulement ce travail que Mme Necker recommande comme une semence de vertu, comme la vertu même, doit, pour devenir profitable, être serré et approfondi. Elle louait Mme du Deffand de ne s’être jamais permis d’écrire une simple lettre sans rédiger deux ou trois brouillons ; c’était aussi sa manière d’écrire : elle s’obligeait à faire et à refaire une page jusqu’à ce qu’elle fût arrivée à la complète expression de sa pensée. Elle s’imposait et conseillait aux autres la même méthode pour le perfectionnement moral. Elle ne se contentait pas de la lumière vague dont une conscience indolente est toujours tentée de se satisfaire ; elle se défiait de l’espèce de lanterne sourde que nous portons en nous, et elle demandait que ces efforts d’élucidation fussent poussés aussi loin pour soi que s’ils eussent été faits pour d’autres. Par le même motif,