Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/333

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par l’opposition des caractères » ; et elle n’admet pas que les caractères ne puissent arriver à se fondre. « Les Zurichois, racontait-elle agréablement, enferment dans une tour, sur leur lac, pendant quinze jours, absolument tête à tête, le mari et la femme qui demandent le divorce pour incompatibilité d’humeur. Ils n’ont qu’une seule chambre, qu’un seul lit de repos, qu’une seule chaise, qu’un seul couteau, etc., en sorte que, pour s’asseoir, pour se reposer, pour se coucher, pour manger, ils dépendent absolument de leur complaisance réciproque ; il est rare qu’ils ne soient pas réconciliés avant les quinze jours. » Ce qu’elle préconise sous le couvert de cette espèce de légende, c’est le mutuel sacrifice qui forme, par l’habitude, le plus solide des attachements et engendre la réciprocité d’une affection inséparable ; elle compare le premier attrait de la jeunesse au lien qui soutient deux plantes nouvellement rapprochées ; bientôt, ayant pris racine l’une à côté de l’autre, les deux plantes ne vivent plus que de la même substance, et c’est de cette communauté de vie qu’elles tirent leur force et leur éclat. Dans les Avis d’un père à sa fille, le marquis d’Halifax, inquiet de voir se multiplier les exemples de séparation conjugale, proposait d’instituer une cour de justice composée de femmes et chargée de prononcer souverainement entre elles sur les cas de désunion. Rousseau, par sa doctrine du libre choix en dehors du mariage, laissait l’épouse arbitre suprême de ses propres sentiments et l’autorisait à se faire honneur de ses écarts comme d’une vertu, sauf à lui inspirer ensuite un remords inutile. Mme Necker soumet simplement le mariage à la loi du devoir en attachant à l’observation de cette loi les joies intimes qui