lui eût pas déplu sans doute de réserver ses droits et ceux de sa fille ; elle aurait répété volontiers après Mme du Châtelet dont Voltaire lui avait fait aimer la mémoire : « Les femmes sont exclues de toute espèce de gloire ; et quand par hasard il s’en trouve quelqu’une née avec une âme assez élevée, il ne lui reste que l’étude pour la consoler de toutes les exclusions et de toutes les dépendances auxquelles elle se trouve condamnée par état. » Mais elle avait trop de sens pour faire une loi commune de ce qui ne pouvait être qu’un rare privilège. Elle posait en principe, au contraire, que les femmes n’ont pas assez de persévérance ni de force pour se permettre les hautes visées, et prétendre aux emplois publics, aux grandes charges, à « tout ce qui suppose des idées collectives. » Bien loin de les flatter, elle ne se faisait pas scrupule de leur rappeler les traits lancés par saint Jérôme contre leur ignorance, leur inconséquence et leur entêtement. Elle aimait à se les représenter tenant partout leur place, une place agréable et utile, mais modeste ; ce qu’elle leur recommande, en un mot, c’est la patience, la douceur, la grâce. « Les vers luisants, disait-elle, sont l’image des femmes ; tant qu’elles restent dans l’ombre, on est frappé de leur éclat ; dès qu’elles veulent paraître au grand jour, on les méprise et on ne voit plus que leurs défauts. »
Mais plus elle les dissuadait des ambitions qui ne pouvaient que les faire dévier de leur destinée providentielle, plus elle s’efforçait d’exciter en elles l’activité intérieure, la vie de l’âme, pour laquelle elles ne lui paraissaient pas moins bien douées que les hommes ; et ce n’est pas sur le sentiment qu’elle comptait pour la développer.