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l’homme, d’après la nature et suivant les différences qu’elle a mises entre eux ; mais je ne sais pas s’il faut tant seconder la nature en confirmant, pour ainsi dire, les femmes dans leurs faiblesses. Je vois la nécessité de leur inspirer des vertus que les hommes n’ont pas, bien plus que celle de les encourager dans leur infériorité sous d’autres rapports : elles ont besoin d’une grande force d’âme ; leurs passions et leur destinée sont en désaccord… » — Sur la Nouvelle Héloïse, Mme Necker écrivait elle-même : « Pour louer cet ouvrage sans restriction, il faut être encore sous le charme. Rien n’est moins moral qu’un édifice de vertu établi sur les débris du vice. Quand M. Dubucq (un des familiers de la maison) a dit que tout sert en ménage, il n’a certainement pas pensé qu’on dût employer le délire de ses erreurs pour en composer l’enthousiasme de la vertu… Rousseau a mis de la morale dans son livre, mais ce n’est pas un ouvrage moral. Il a entrepris ce roman sur un plan tracé par la passion… S’il avait voulu faire un roman véritablement moral, il n’aurait représenté l’amour que par le sacrifice qu’on en peut faire et non par les sacrifices qu’on lui fait… Ce que son livre a de plus édifiant, c’est de montrer comment on passe presque nécessairement des sentiments hors de l’ordre à la plus grande des fautes. » La déclaration est ferme et aussi raisonnée que ferme. Mme Necker n’avançait rien qui ne se rapportât, dans sa pensée, à un enchaînement d’idées générales. En exaltant la sensibilité des femmes, Rousseau les livrait à tous les vents de la passion, et c’est des impulsions du dehors, nous l’avons vu, qu’il faisait surtout dépendre leur vie. Mme Necker n’a rien plus à cœur que de refréner