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d’être admis dans cette noble intimité. Mme Necker se faisait un devoir d’en maintenir le caractère. Bien qu’elle connût toutes les convenances du jeu, elle ne donnait rien à l’improvisation pure et ne se croyait jamais plus sûre d’elle-même que lorsqu’elle se présentait dans son salon l’intelligence tendue par le travail ou la méditation. Elle rappelait souvent qu’à quatre-vingt-huit ans M. de Fontenelle s’asseyait sur un tabouret afin d’éviter de se courber, en ajoutant : « c’est un exemple à appliquer à l’esprit. »

III

Sur cette âme demeurée malgré tout Genevoise et montée à ce ton de sévère raison, quelle impression pouvaient produire les théories de la Nouvelle Héloïse et de l’Émile touchant la condition et l’éducation des femmes ? Pour l’Émile, nous ne pouvons avoir de meilleur interprète de Mme Necker que sa fille qui, dans les œuvres de sa première jeunesse, était plus ou moins l’écho des sentiments dans lesquels elle avait été élevée. S’interrompant au milieu de son dithyrambe : « Comment, s’écriait Mme de Staël, comment Rousseau, dans un morceau sublime, supplément de son ouvrage, a-t-il peint cette Sophie trahissant son époux ? Comment a-t-il pu se résoudre à nous la montrer au-dessous de tout, infidèle à ce qu’elle aime ? Ah ! pourquoi flétrir le cœur par cette triste fin ? Pourquoi dégrader les femmes en faisant tomber celle qui devait être leur modèle ?… Rousseau veut élever la femme comme