l’empressement de l’esprit quand cela est nécessaire, jamais celui des mouvements ou de l’accent ; le sourire calme et doux qui voile les années et qui rappelle un beau jour de printemps ; le ménagement dans le ton, dans l’air, dans les paroles ; le soin de prévenir et de regarder sans affectation ni agitation ; l’art d’empêcher que personne ne prenne trop d’espace aux dépens des autres et de faire patienter les gens qui, attendant toujours le trait pour parler, vous obligent à fournir le fond de la tapisserie dont ils ne veulent tracer que les fleurs. » Elle ne tenait pas seulement à l’ordre, elle exigeait du style. Il lui déplaisait que Mme Geoffrin aimât à « rendre des idées ingénieuses par des images triviales et, pour ainsi dire, de ménage, à enter son esprit sur un ton bourgeois. » C’était à ses yeux le signe d’une éducation inférieure. Chez les écrivains, elle estimait surtout la suite, la majesté, la pompe ; Thomas et Buffon étaient ses maîtres. Elle ne croyait pas davantage qu’un entretien put se passer de méthode et de tenue. Elle arrêtait les élans trop brusques qui étourdissent, les coups de surprise qui indisposent ; elle voulait qu’on ne s’élevât et qu’on ne s’échauffât que par degrés : « le coup d’archet doit commencer doucement, afin de pouvoir insensiblement enfler le ton. » Ce qui l’avait attachée à Mlle Clairon, c’est qu’elle parlait de son art en grand. Il est clair qu’à ce train les idées devaient perdre un peu de leur naturel et de leur grâce. M. Necker, à qui ces conversations étaient offertes comme délassement, ne paraissait pas toujours lui-même y prendre un bien vif intérêt. Nul ne songeait toutefois à s’étonner ou à se plaindre, quelle que fût la contrainte, parce que chacun sentait de quel prix il était
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