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pair avec ce que l’aristocratie de l’esprit ou de la naissance comptait de plus fier à l’étranger comme en France ; tenant sa cour dans un modeste appartement dont aurait rougi le plus humble financier ; ayant frappé à la porte de toutes les vertus sans entrer dans aucune, et tirant un égal parti de ses agréments et de ses défauts ; conduisant ses goûts et ses années comme des chevaux bien attelés ; ayant peu de sentiment, encore moins de savoir, et protégeant efficacement les artistes et les gens de lettres ; allant à la messe clandestinement comme on va en bonne fortune ; fuyant comme la peste les malades et les malheureux et, à force de générosité, ayant acquis le droit d’être économe ; très répandue et très secrète ; accueillant tout le monde et ne se fiant à personne, ne pouvant se passer de la société des hommes et ayant le mépris de l’humanité ; visant à la considération comme à la force suprême et comptant, parmi les moyens de l’obtenir, « un bon maintien, se tenir droite, représenter bien, se mettre noblement et simplement, parce que tous ces avantages supposent de l’attention, de l’ordre et de la raison, » plus soucieuse en toutes choses de paraître que d’être et plaçant la vertu moins dans le fonds qui en assure la solidité que dans les dehors qui en font l’éclat, « une femme enfin à imiter dans sa conduite plutôt que dans les principes de sa conduite, » dit Mme Necker en concluant par ce mot qui donne une idée si vraie, si mesurée, de ce qui manquait à cette sagesse froide, égoïste et minutieusement calculée. Une telle clairvoyance de jugement n’appartient guère qu’à « ceux qui sont du pays, » et Mme Necker, en effet, avait si bien pris l’air du pays, que ses amis s’en inquiétaient presque. Il