de Luxembourg allait la visiter à Saint-Ouen, et Mme du Deffand, dans un premier entraînement qui, il est vrai, ne devait pas résister longtemps au sentiment de l’incurable ennui qu’elle portait avec elle, écrivait à la duchesse de Choiseul : « Je ne croyais pas que je connaîtrais jamais Mmes Necker et de Marchais ; je les vois souvent et je m’en trouve bien : ces femmes sont aimables ; elles ne sont point sottes ni insipides ; elles sont plus faites pour la société que la plupart des dames du grand monde ; je préfère ce qui écarte l’ennui à ce qui est du bel air. » Bien plus, de ses protectrices Mme Necker s’était fait des amies ; elle avait même pu, sans les blesser, devenir leur rivale : à côté de leurs salons consacrés par l’autorité ou par la vogue, elle avait réussi à se créer le sien. Il manque malheureusement à son journal des dates qui fixent les étapes de cette prise de possession ; mais on en peut presque suivre le progrès, ici dans une fine et transparente allusion, là dans une observation saisie sur le vif d’un entretien, ailleurs dans le croquis de tel ou tel personnage. Mme Necker arriva-t-elle jamais à goûter le complet bénéfice de « cette éducation de Paris, la seule où un esprit se perfectionne » ? Certaines de ses Notes témoignent d’une langue heureusement assouplie : le mot s’ajuste bien à l’idée et l’image vient s’y joindre agréablement. Il semble qu’on pourrait attribuer à Mme d’Houdetot cette gracieuse remarque : « Les femmes tiennent dans la conversation la place de ces légers duvets qu’on introduit dans les caisses de porcelaine ; on les compte pour rien, et sans eux tout se brise. » Elle dira de même, non sans finesse : « On est plus vertueux en Suisse qu’à Paris ; mais ce n’est qu’à Paris que l’
Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/322
Cette page n’a pas encore été corrigée