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pour jouir de l’excês de sollicitude de sa mère. Mme Necker lui rapportait tout ; c’est sur elle que « son amour-propre s’était transporté. » « Les Samoyèdes, racontait-elle, pour témoigner leur reconnaissance à l’impératrice Catherine, avaient voulu faire battre une médaille portant pour exergue : À la sage, à la grande, à la mère ; l’impératrice répondit : "Je sais seule si je suis sage ; la postérité dira si je suis grande ; mais, pour le titre de mère, je crois le mériter." » Mme Necker l’acceptait aussi pour elle-même ; et même alors qu’elle était dans tout l’éclat de sa fortune, elle ne croyait pouvoir en obtenir de plus beau. Ces soins maternels ne fermaient point d’ailleurs son cœur aux sentiments d’humanité générale dont Jean-Jacques avait rouvert la source ; elle créait des maisons de bienfaisance, des hôpitaux, et tenait, comme disaient les gazettes du temps, « un bureau de commisération en même temps qu’un bureau d’esprit. » Rousseau ne dut-il pas la reconnaître l’un des premiers dans le portrait esquissé par Thomas : « Il y a dans ce siècle et dans cette capitale même des femmes qui illustreraient un autre siècle que le nôtre… Il y en a qui pourraient penser avec Montesquieu et avec qui Fénelon aimerait à s’attendrir. On en voit qui, dans l’opulence, séparent tous les ans de leurs biens une portion pour les malheureux, connaissent les asiles de la misêre, et vont rapprendre à être sensibles en y versant des larmes ? » Mme Necker faisait mieux que de glorifier par ses actes les enseignements de Rousseau : elle le protégeait et ne permettait point que les erreurs de son existence ou les travers de son caractère fissent oublier l’éclat de son génie et la puissance de son action. « Oui, je l’