Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/313

Cette page n’a pas encore été corrigée

de chancellerie ; voilà comme je punis le froid maintien de la décence. » Même dans les moments où il pouvait se croire autorisé à s’abandonner à ses habitudes de familiarité, jamais il n’eût osé se permettre à son égard ce qu’il ne s’interdisait guère avec personne. C’est elle sans doute et son entourage qu’il avait dans la pensée lorsque, après avoir dit un jour de la nation dont l’hospitalité lui avait été si douce : « Vous avez des vices énormes, mais ils sont tels, que toute l’Europe voudrait les acquérir et payer très cher les leçons à ses maîtres, » il s’écriait : « Il y a encore bien des mœurs, des vertus, de l’héroïsme dans votre Paris ; il y en a plus qu’ailleurs : c’est ce qui me le fait regretter et me le fera peut-être revoir un jour. » Mme Necker était, à ses yeux comme aux yeux de tous les contemporains, l’expression de ce qu’à la fin du dix-huitième siècle l’esprit français offrait de plus honnête et de plus sain[1].

I

C’est par le roman qu’avait commencé cette vie si sérieusement ordonnée ; et c’est ce roman qui semble avoir été l’occasion de ses premiers rapports avec Rousseau. On connaît aujourd’hui, grâce à une publication d’un vif intérêt, les vicissitudes de la passion qui, pendant près de cinq ans, avait enchaîné son cœur et paraissait devoir fixer sa destinée[2]. Gibbon, que les lettres

  1. On sait que Mme Necker a vécu de 1737 à 1794.
  2. Le Salon de Mme Necker, par M. Othenin d’Haussonville.