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belle philosophe. » Mme d’Épinay ne tirait point vanité de ces commerces et ne craignait rien tant que de faire ombrage. « C’est encore un problème que je n’ai pu me résoudre, écrivait-elle à la fin de sa vie, de savoir pourquoi je n’ai jamais pu plaire à Mme Geoffrin, observant toujours paisiblement, n’offusquant et n’effaçant jamais personne, n’ayant ni fortune, ni maison montée, n’étant ni bête ni conquérante. » Mais, si elle ne se produisait qu’avec réserve, elle savait admirablement jouir de la société de ceux qu’elle avait une fois attirés. « Une heure de conversation, avait-elle coutume de dire, donne plus de satisfaction que tous les trésors de la terre. » Ses amis partis, les lumières éteintes, elle reprenait en elle-même leurs entretiens, s’y renouvelait, y puisait les éléments de sa vie. Elle ne considérait pas seulement comme légitime, elle déclarait nécessaire pour les femmes — leurs devoirs de mère, de fille, d’épouse une fois remplis — de se livrer à l’étude, de développer et d’étendre leurs connaissances : « c’est le sûr moyen de se suffire à soi-même, d’être libre et indépendante, de se consoler des injustices du sort et des hommes ; on n’est jamais plus chérie, plus considérée d’eux, que lorsqu’on n’en a pas besoin. » Quel renversement du principe de dépendance établi par Rousseau ! Diderot, raillant certains cercles de femmes ignorantes, superficielles, banales, toujours à la remorque, les comparait à des poupées mues par des ressorts dont elles n’ont pas la clef. Sophie aussi à bien des égards est une poupée. L’idée qu’à la fin de sa carrière Mme d’Épinay se faisait, le portrait qu’elle traçait de la femme, maîtresse d’elle-même, éclairée