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n’ont pas cette allure réglée. Elles ont toutes pour objet de mettre en lumière quelque prescription de sagesse, de préconiser quelque qualité essentielle, l’obéissance, la modestie, l’esprit d’ordre, la raison ; l’anecdote puisée dans la vie, ou le conte inventé à plaisir, contribue à illustrer, pour ainsi dire, les vérités morales. Mais ces vérités ressortent du dialogue plutôt qu’elles n’y sont dogmatiquement établies. Émilie n’est pas un personnage de convention ; c’est bien réellement une petite fille qui cause sur les genoux de sa grand’mère, avec plus de tenue sans doute qu’à son ordinaire, avec plus de gentillesse aussi, mais qui s’y montre dans le naturel et le mouvement de son esprit, qui arrête l’entretien pour se faire expliquer les mots nouveaux à son oreille ou les sentiments dont elle n’a pas une suffisante intelligence, qui le reprend à son aise et semble le conduire, tant elle est elle-même habilement conduite, et qui, par un effet progressif que Galiani signale en l’admirant, arrive, de dialogue en dialogue, à prendre possession de ses petites facultés. La grand’mère non plus n’est point un être de raison ; elle appartient de tout son bon sens et de tout son cœur à la tâche qu’elle a assumée. Ce n’est pas seulement un devoir qu’elle s’est imposé et qu’elle poursuit avec une logique d’un effet d’autant plus sûr qu’elle en garde le secret ; c’est une satisfaction tendre qu’elle se donne. Elle fut la dernière de Mme d’Épinay : le livre avait été écrit sur son lit, qu’elle ne quittait presque plus. On sait quels succès il obtint : l’Académie Française lui décerna le prix fondé par M. de Montyon ; l’impératrice de Russie, Catherine II, l’adopta pour l’éducation de ses enfants ; et, sachant que l’auteur