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Rousseau le sent et le dit ; Mme d’Épinay le sent comme lui, mais ne s’en plaint pas ; elle cherche à revêtir ses enseignements d’une forme plus riante, elle imagine des apologues et des histoires ; mais elle a beau faire, le dogmatisme l’emporte, et c’est Rousseau seul qui l’inspire, quoiqu’il refuse de se reconnaître dans son élève coupable seulement de forcer le ton.

L’enfant ne devait guère profiter de toute cette peine. Il n’était point d’espérance qu’on n’en eût conçue. «  Faites des projets sur ce marmot, écrivait Mme de Roncherolles à la jeune mère, pour faire diversion aux premiers chagrins de l’abandon. Qu’il ait la figure de son père, j’y consens, pour vous plaire ; quant au reste, tournez-le-moi à la d’Esclavelles (on sait que c’était le nom de famille de Mme d’Épinay), et dès le maillot il y faut penser. » Malheureusement rien ne fut plus mal conduit que cette éducation. Il aurait fallu que Mme d’Épinay eût bien mal profité des entretiens de Rousseau pour ne pas détester les collèges. Elle les assimilait aux hôpitaux, utiles aux orphelins et aux indigents, mais qui ne sont point faits pour ceux qui peuvent se passer des soins d’une maison publique. Elle faisait même plus de cas de la sollicitude des hôpitaux que de celle des collèges. Le médecin au moins prend connaissance du tempérament du malade et le traite pour le mal dont il faut le guérir, tandis qu’un principal ne peut se conduire que par un certain nombre de maximes générales plus ou moins exactes, qu’il applique à tous les enfants indifféremment. Comment, dans cette méconnaissance du caractère particulier de chaque enfant, ne pas être exposé à donner du pain à celui qui a soif et à présenter de l’eau à celui qui a faim ? Ne