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de lui dire : « Pauline, est-ce parce que cela est beau et que cela te fait plaisir que tu as retenu cette règle ? — Oh ! mon Dieu non, reprend-elle, c’est parce qu’on l’a tant rabâchée à mon frère, que je l’ai retenue malgré moi et sans y rien comprendre. » Tous les traits de l’examen seraient à relever ; et Duclos qui bavarde, et Grimm qui se tait, et Mme d’Houdetot qui papillote, et Francueil qui bâille. Mais la fin est incomparable et vaut la peine d’être citée tout entière. « J’avais donné à mes amis le mot sur ce que je les priais de dire, poursuit Mme d’Épinay, pour encourager mon fils, au cas qu’il méritât leurs éloges ; mais M. d’Épinay gâta tout, comme je l’avais prévu. Il sortit de l’appartement en emmenant l’enfant, et priant de ne se pas séparer ; et il le ramena avec un habit de velours couleur de cerise et des parements superbes. Je restai désolée de cette gaucherie ; elle fit sur tout le monde la même impression que sur moi, d’autant que l’enfant avait l’air si satisfait, que l’on ne pouvait dissimuler le mauvais effet de cette récompense. Il vint d’abord embrasser ma mère, qui, depuis deux heures, ne cessait de répandre des larmes de joie. Ensuite, il vint à moi. « Je vous trouvais bien plus paré auparavant, mon ami, » lui dis-je. Duclos lui dit : « Voilà qui est fort beau, mon ami, mais n’oubliez pas qu’un sot galonné n’est jamais qu’un sot. » Rousseau, à qui mon fils voulut faire admirer son habit, ne lui répondit rien, et, l’enfant le pressant, il lui dit à la fin : « Monsieur, je ne me connais pas en clinquant, je ne me connais qu’en homme ; j’étais très disposé tout à l’heure à causer avec vous, mais je ne le suis plus. » Le singulier et amusant triomphe des idées de l’Émile avant l’Émile !