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Monsieur, songez, je vous prie, que ce choix n’est pas indifférent. — Non, non, je le sais bien. — Que la récompense ne puisse pas effacer la joie que l’enfant aura au fond de son cœur d’avoir bien fait, ni qu’elle ne le distraie pas trop des marques de distinction que je prierai mes amis de lui donner. — Diable, cela le touchera beaucoup, je crois ! — Oui, si vous me laissez faire. Je vous en prie, monsieur, dites-moi votre projet. — Non, non, je veux vous surprendre. » Le jour venu, les invités s’empressent pour entendre le candidat (il avait neuf ans), « sur Cicéron, sur l’histoire romaine et sur deux livres de l’Énéide. » La scène est achevée. Linant allait, se rengorgeant, se frottant les mains, solliciter l’indulgence de tout le monde, mais avec un air si sur du succès de l’enfant, que l’enfant lui-même en était ivre. Pauline, à qui chacun demandait sur quel sujet elle montrerait sa science (elle avait moins de huit ans), était un peu humiliée d’avouer qu’elle ne savait encore qu’un peu de géographie : « Mais, si par hasard mon frère se trompe, dit-elle, je pourrai peut-être l’aider, car je n’ai pas laissé que de retenir bien des choses des leçons qu’il recevait. — C’est-à-dire, interrompt le père, que vous ne retenez que ce qu’on ne vous apprend pas. — Papa, je retiens bien ce que je comprends, mais pas le reste. » Et l’interrogation commence. Le frère hésitant sur l’histoire romaine, la petite, qui le guettait, se lève et répond pour lui en riant. « Pourquoi avez-vous retenu cela ? lui demande Rousseau. — Monsieur, c’est que c’est beau, et que cela me fait plaisir. » Il s’agissait d’un trait de Régulus. Intervient une question sur une règle de la syntaxe latine ; elle souffle encore la réponse, et M d’Épinay