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du dix-huitième siècle et nous montre la lutte des idées au sein même de la famille. Linant avait demandé qu’on fît subir à son élève un exercice en présence de quelques amis. M. d’Épinay professait peu de goût pour les doctrines que Rousseau avait commencé à répandre ; il ne croyait pas qu’il fût possible d’élever les enfants sans faire appel à leur mémoire, surtout sans exciter leur zèle par l’émulation et par l’appât d’une récompense. Avant de répondre à Linant, il lui avait posé cette question : « L’enfant est-il bien préparé ? — À merveille, répondit le précepteur. — Tant mieux, reprit M. d’Épinay. — Tant pis, répliqua Mme d’Épinay (c’est elle-même qui reproduit la conversation dans le style vif, enjoué, naturel qui lui est propre). — Pourquoi donc, madame ? — C’est qu’il y a à parier, monsieur, qu’il répondra comme un perroquet. — Toujours des idées bizarres, des opinions à la mode ! Votre fille n’est pas en état, je parie, de soutenir un exercice, même sur la Croix de par Dieu. — Ma fille ne sait rien par cœur. Elle assistera à l’examen de son frère ; et, si on lui fait des questions à sa portée, elle répondra, ou elle se taira si elle n’a rien à dire. — Fort bien, et vous ne lui montrerez pas même son frère pour exemple, s’il répond mieux qu’elle ? — C’est selon. — Et ne voyez-vous pas, madame, que cette éducation n’a pas le sens commun, qu’elle détruit tout amour-propre ?… » Et là-dessus M. d’Épinay part contre le système. Après diverses discussions de détail sur les invitations à lancer, particulièrement en ce qui touche Rousseau, à qui M. d’Épinay tient, « parce qu’il fera à l’enfant des questions saugrenues qui égayeront un peu l’ennui de la chose, » on passe au choix de la recompense. «