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en sera pas plus mauvaise. Eh bien, voilà un motif déterminant. Allons, voilà qui est dit : demain je l’enlève à sa mère, je m’en empare et nous verrons une fois ce que deviendra un enfant qui n’est ni contraint ni gêné. Ce sera le premier exemple dans Paris. Imaginez-vous que je suis la seule qui ne lui fait pas peur ; elle me sourit, l’abbé, voyez-vous cela ? Et puis, elle s’appelle Émilie. Le charmant nom et le moyen d’y résister ! » C’est cette Émilie pour laquelle elle devait écrire ses Conversations entre une mère et sa fille, le meilleur de ses ouvrages d’éducation.

Rousseau ne pouvait espérer de trouver une intelligence plus heureusement préparée à recevoir ses leçons. Cependant la première rencontre fut froide. Mme d’Épinay lui trouva, en même temps que beaucoup d’esprit, un air bizarre et farouche. Plus tard elle le jugeait avec une heureuse et bienveillante sagacité, lorsqu’elle disait : « Je suis persuadée qu’il n’y a qu’une façon de prendre cet homme pour le rendre heureux : c’est de feindre de ne pas prendre garde à lui et de s’en occuper sans cesse. » Telle avait été sa politique, dans leurs premières relations, politique qui ne dut point lui coûter : elle subissait avec passion son influence. Elle consultait volontiers tout le monde sur la direction à donner à l’éducation de ses enfants et tout le monde à la fois : Diderot, Duclos et un ami de Rousseau, le judicieux Gauffecourt. Mais, quand Rousseau lui-même était là, elle ne s’en rapportait qu’à lui. Pendant quatre ou cinq ans il exerça sur son esprit une autorité souveraine. On en trouve la marque dans une scène d’examen qui révèle d’une façon curieuse les préoccupations pédagogiques