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MADAME D’ÉPINAY



Il semble qu’il n’ait manqué a Mme d’Épinay qu’un mariage assorti et une première impulsion heureuse, pour laisser un nom aussi pur que son talent. Dans les Mémoires où elle raconte avec une fidélité si expressive « le roman mouvant » de son temps, bien qu’elle soit l’objet et le fond du récit, on dirait, à certains moments, qu’elle est le seul personnage qui n’y soit point à sa place, et l’on se demande ce qu’aurait fait de ces grâces exquises, au dix-septième siècle, la société des La Fayette et des Sévigné[1]. « Oh ! que vous êtes heureusement douée, lui écrivait Grimm, devenu l’arbitre de sa pensée et de son cœur ! De grâce, ne manquez pas votre vocation : il ne tient qu’à vous d’être la plus heureuse et la plus adorable créature qu’il y ait sur la terre, pourvu que vous ne fassiez plus marcher l’opinion des autres avant la votre et que vous sachiez vous suffire à vous-même. » Ne point s’appartenir, ne point se suffire et s’en honorer, telle était bien la faiblesse trop encouragée par Rousseau chez les femmes. « Je crois, disait Mme d’Épinay, avant d’avoir pris possession d’elle-même, je crois que je

  1. Mme d’Épinay, née le 11 mars 1726, mourut le 15 avril 1783.