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doctrines mêmes tournaient à leur avantage. Le triomphe de la sensibilité est leur triomphe. Si solides que soient les principes sur lesquels Rousseau établisse l’autorité des hommes, c’est aux femmes qu’il réserve le dernier hommage. Ce sont elles qu’il fait les conseillères, les souveraines de la vie humaine. Humiliées dans ses théories, elles reprennent leur rang dans l’action des romans où il les engage. Celles-là même qu’il laisse succomber sont supérieures aux hommes qui les entraînent ; il honore leurs faiblesses ; il idéalise leur chute. En l’exaltant à leur tour, en l’enivrant de leur ardente et tendre admiration, elles ne faisaient que lui rendre le culte contre lequel il semble se débattre, mais qu’au fond de son âme il leur a voué.

Ce culte cependant n’a rien d’aveugle. Une des maximes favorites de Rousseau est que les femmes sont juges des mérites des hommes. Elles ont, en ce qui le touche, pleinement justifié sa règle. Ce sont les femmes qui, après avoir propagé ses idées avec le plus de passion, les ont appréciées avec le plus de sagesse. Trois d’entre elles se distinguent entre toutes par la portée de leur critique, comme par la vivacité première de leur admiration : Mme d’Épinay, Mme Necker, Mme Roland. Et l’on ne peut se mieux rendre compte du caractère de l’action que Rousseau a exercée sur l’éducation des femmes qu’en voyant ce qu’elles en ont elles-mêmes pensé d’après lui.