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grâce et d’esprit, — la seule sur laquelle elle put compter, — qui lui permit de contracter avec M. de Simiane, « par le plus heureux des assortissements, » une riche et sympathique union ?

Cette efficacité de conseil ne tient pas seulement à la justesse du précepte et à la sincérité de l’accent. Mme de Sévigné prêchait d’exemple. Elle faisait et refaisait elle-même tout d’abord les lectures qu’elle prônait, et il n’est peut-être pas une seule de ses prescriptions de conduite qu’elle ne se fût d’abord imposée. Il est difficile de séparer son image du cadre des causeries étincelantes et voltigeantes dont elle a laissé l’inimitable modèle. Mais sa verve intarissable, sa bonne grâce lumineuse recouvrait un fond de sagesse pratique remarquablement consistant et solide. C’est pour les autres qu’elle se tient au courant des nouvelles de la cour et de la ville, et il ne lui déplaît pas assurément de les raconter ; mais il est bien peu de lettres où elle ne sème çà et là, en guise de moralité ou simplement pour la décharge de sa conscience toujours en éveil, quelque vérité profonde, quelque trait d’expérience et de bon sens. Mme de Sévigné est une mondaine que le monde occupe, caresse, enivre parfois, mais dont il est loin de remplir le cœur et de satisfaire l’activité. Les méchantes compagnies la faisaient fuir : ne pouvant les éviter, elle ne pensait « qu’aux délices des adieux. » Elle n’aimait pas « à dépenser son pauvre esprit en petites pièces de quatre sous » dans des entretiens sans ragoût et sans portée. « Il n’y a pas un grain d’