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difficilement des tableaux plus séduisants et plus vrais, d’une touche plus fine et plus sûre que ceux où il représente le foyer de la famille présidé par une jeune mère, la grande toilette de la coquette, la table où le maître et la maîtresse de la maison, jaloux de renvoyer chacun de leurs hôtes contents d’eux et de soi, « font en sorte, par une prévenance, un mot, un geste, un regard, que le moindre de la société ne se sente pas plus oublié que le premier, » les compagnies où la mère introduit sa fille pour lui apprendre à goûter sans danger les plaisirs de son âge et prévenir ce regret de l’inconnu qui empêche, le mariage venu, d’en remplir les sérieux devoirs ; les pérégrinations d’Émile visitant les maisons de paysans, s’enquérant de leur état, du nombre de leurs enfants, des produits de leur terre, de leurs charges, de leurs dettes, donnant peu d’argent, mais fournissant une vache, un cheval, une charrue, des médicaments pour les malades, et joignant en toutes choses l’exemple à la leçon, soit qu’il trace un sillon, soit qu’il élève un ados ou greffe les arbres du verger. Il y a déjà plus d’artifice et bien moins de charme dans la série d’aventures destinées à rendre piquantes les entrevues avec Sophie. Ces égarements prémédités dans les vallons et les montagnes pour arriver le soir à la métairie du père de Sophie comme au château de la Belle au bois dormant ; ces promenades où l’on se dirige du même côté sans qu’il y paraisse, où l’on entre dans le même abri comme par hasard ; ces orages qui rapprochent et séparent, juste quand il le faut ; ces scènes d’atelier et d’hôpital où Émile apparaît à Sophie, le maillet à la main, achevant une mortaise, où Sophie apparaît à Émile revêtue du