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il a soulevés. En vain proteste-t-il qu’il cherche dans la femme l’épouse et la mère ; ce qu’il prépare, « c’est la maîtresse qui sait plaire. » Les images voluptueuses hantent son esprit. Il ne se refuse aucune licence. La grâce adorablement chaste avec laquelle il parle de la pudeur n’a d’égale que l’indiscrétion raffinée des conseils, déplacés partout ailleurs que dans la bouche d’une mère, qu’il adresse la veille de leur union à ses jeunes époux. Que dire de la scène où il entretient Sophie, avant son mariage, des douleurs de l’enfantement ? Il ne parle pas une seule fois, pour ainsi dire, des sentiments des femmes honnêtes, qu’il ne s’abandonne à développer ceux des femmes qui ne le sont pas. Ce n’est point l’idée d’un contraste utile qui le conduit, mais l’habitude et le besoin de se mettre l’esprit à l’aise. Encore l’impression est-elle moins fâcheuse lorsqu’il se borne à décrire et ne cherche pas à fournir ses raisons. Dans un passage où il exprime non sans justesse l’immoralité de bonne tenue des ménages de son temps, il définit le mari « un homme avec qui l’on garde en public toutes sortes de bonnes manières, mais qu’on ne voit point en particulier. » Malheureusement il a lui-même d’étranges théories pour justifier ces écarts. Toutes les passions sont bonnes, pourvu qu’on les domine. Non seulement il n’interdit pas de s’y livrer ; mais il encourage à le faire. « Un homme n’est pas coupable d’aimer la femme d’autrui, s’il tient cet amour malheureux asservi à la loi du devoir » ; il a le droit de jouir de ses sentiments, dès le moment qu’il y résiste. Ce n’est pas avec de tels sophismes qu’on fortifie l’âme humaine. Il n’y a que les tragédies où l’on puisse impunément exciter les passions pour en triompher. La lutte une fois engagée,