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cette observation toute une pédagogie. « Ce violent désir de plaire, » contre lequel Fénelon voulait qu’on se tînt si sévèrement en garde, il en fait son principal ressort. Dans l’éducation de la jeune fille, il distingue deux périodes, et c’est la transformation de la coquetterie instinctive en coquetterie raisonnée qui marque le passage du premier degré au second. « Presque en naissant, dit-il, les petites filles aiment la parure. Non contentes d’être jolies, elles veulent qu’on les trouve telles : on voit dans leurs petits airs que ce mot les occupe déjà ; et, à peine sont-elles en état d’entendre ce qu’on leur dit, qu’on les gouverne en leur parlant de ce qu’on pensera d’elles. » D’autres ont remarqué ce que les soins dont l’enfant entoure sa poupée révèlent de sensibilité précoce, d’instinct de dévouement, de tendresse quasi maternelle. Rousseau n’y voit que la première et inconsciente démonstration d’une préoccupation mondaine et toute personnelle. Dans cette poupée qu’elle habille et déshabille cent fois, cherchant sans cesse de nouvelles combinaisons et des assortiments nouveaux, c’est elle seule que l’enfant aime ; elle n’attend que le moment « d’être sa poupée elle-même. » Voilà pourquoi, tandis qu’elle répugne tant à lire et à écrire, elle arrive si vite à tenir l’aiguille, à broder, à faire de la dentelle, à dessiner des feuillages, des fruits, des fleurs, des draperies, tout ce qui peut servir à donner un contour élégant à ses ajustements. Ce goût inné se développe avec les années et se fortifie par la réflexion. Quand le précepteur d’Émile veut donner à son élève adolescent le moyen de distinguer ce qu’il doit apprendre de ce qu’il peut ignorer, il l’engage simplement à se poser cette question :