pas grand regret. Pauline en revanche recherchait fort les romans, et Mme de Sévigné, qui compte bien qu’un jour l’histoire aurait son tour, ne s’en scandalisait point. « Vous ne les aimiez pas, dit- elle à Mme de Grignan, vous avez fort bien réussi ; je les aimais, je n’ai pas trop mal couru ma carrière ; quand on a l’esprit bien fait, on n’est pas aisée à gâter. » Pauline était une dévoreuse de livres : cela est bon ; mieux vaut qu’elle en lise de mauvais que de ne point aimer à lire : tout est sain aux sains. Elle avait la passion de savoir et de connaître ; à merveille : c’est le moyen d’échapper à l’ennui et à l’oisiveté, deux vilaines bêtes. Mme de Sévigné portait d’ailleurs dans ses conseils l’esprit de précision et de méthode. Elle a commencé par laisser lire à sa petite-fille, sans beaucoup d’ordre, les Métamorphoses d’Ovide, Voiture, Sarrasin, les comédies, Lucien. Mais autant elle est prête à encourager sa curiosité, autant elle voudrait l’y voir mettre de la suite et de la solidité. Il faut qu’elle s’habitue à commencer les choses par un bout et à les finir par l’autre. Il ne lui paraît point qu’elle puisse profiter de l’histoire sans s’aider de la géographie. Quant à l’histoire elle-même, arrivée au degré d’âge et de jugement où elle sera en état de la comprendre, s’il faut lui pincer le nez pour la lui faire avaler, elle la plaint. Mais ce qu’elle place au-dessus de tout, c’est la morale, non la morale de Montaigne ou de Charron, ni des autres de cette sorte : elle ne souhaiterait pas du tout que Pauline
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