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lot. Il faut l’habituer à se gêner, l’exercer à se contraindre, parce que toute sa vie elle aura à subir la gêne et la contrainte. Jeune, elle doit s’accoutumer à voir interrompre ses jeux sans se plaindre, à ne rien faire quand il lui plairait de travailler, à n’avoir ni goût, ni volonté. Elle ne peut sentir de trop bonne heure qu’elle n’est rien au regard de l’homme, que l’homme est le maître, que pour elle sa destinée est de céder, d’obéir, de tout subir, même l’injustice. » Rousseau se prononce sur ce point avec une rigueur qui ne souffre point de réplique. « Toute l’éducation des femmes, conclut-il, doit être relative aux hommes. Tant qu’on ne remontera pas à ce principe, on s’écartera du but, et tous les préceptes qu’on leur donnera ne serviront de rien pour leur bonheur ni pour le nôtre. »

Ce principe est en effet le sien. Il y reste fidèle, quelles que soient les divergences de vues où dans le détail il se laisse dévier. C’est d’abord par application de ce système qu’il condamne l’éducation publique pour les jeunes filles. Il n’aimait point les collèges en général. Moins passionné contre les couvents, il leur rend cette justice, qu’ils offrent aux pensionnaires « toutes sortes d’occasions d’ébats, de courses, de jeux en plein air et dans des jardins, bien préférables à la chambre close où l’enfant n’ose ni se lever, ni marcher, ni parler, ni souffler, et n’a pas un moment de liberté pour jouer, sauter, courir, crier, se livrer à la pétulance naturelle à son âge » ; mais il n’admet pas pour cela le régime intellectuel et moral que le cloître comporte. Il estime, et personne n’a mieux que lui fait sentir, que, pour aimer la vie domestique, il faut en avoir éprouvé les