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leur place. Ce n’est pas qu’il se pique de leur être agréable. S’il s’agissait de celles de son temps, il n’aurait à leur faire entendre que de dures vérités. La femme telle que l’a façonnée la société est un être dépravé : à Paris comme à Londres, il n’en connaît point une seule vraiment digne de ce nom, et ailleurs cela n’est guère mieux ; la dépravation commence dans les grandes villes avec la vie ; dans les petites, avec la raison. Il est vrai que cette corruption n’est point le privilège des femmes : et c’est ce qui les excuse ; par une sorte d’émulation coupable, les deux sexes s’empruntent mutuellement leurs défauts. S’il croit pouvoir se faire honneur de ses élèves imaginaires, c’est surtout parce qu’ils sont ce qu’ils doivent être : Émile est homme et Sophie est femme : voilà tout leur mérité ; dans la confusion des sexes qui règne, c’est presque un prodige d’être du sien. Or ce prodige est simplement l’effet du retour à la nature. Si les facultés qui sont l’apanage commun des hommes et des femmes ne leur sont pas départies dans une égale mesure, prises dans l’ensemble, elles se compensent. Outre le bon sens qui, quoi qu’en disent les plaisants, est des deux sexes, la femme a la présence d’esprit, la grâce, la finesse. La force lui manque pour s’élever aux vérités spéculatives, tout ce qui est de génie passe sa portée ; mais elle a par excellence la raison pratique et les lumières du sentiment ; moins étendu et moins sûr, son jugement, plus tôt formé, est plus délié et plus souple ; elle lit au fond de la pensée, et tous les jeux de l’âme lui sont familiers : « sa mécanique est admirable pour apaiser les passions ou les soulever. » Bien plus, en même temps qu’elle triomphe par le sentiment, le sentiment