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est l’erreur fondamentale de Platon, qu’ayant ôté de son gouvernement les familles particulières et ne sachant plus quel parti tirer des femmes, il se vit forcé de les changer en hommes. Rien de plus grossier et de plus chimérique que cette promiscuité qui confond partout les deux sexes dans les mêmes travaux. Cultiver chez les femmes les qualités de l’homme, et négliger celles qui leur sont propres, c’est visiblement travailler à leur préjudice. « Croyez-moi, mère judicieuse, ne faites pas de votre fille un honnête homme ; faites-en une honnête femme, et soyez sûre qu’elle en vaudra mieux pour elle et pour nous. » Sa destination est d’être mère. Élever les hommes, quand ils sont jeunes, les soigner quand ils sont grands, les conseiller, les consoler, leur rendre l’existence commode et douce, voilà les devoirs de la femme dans tous les temps. Elle appartient à la vie domestique. Source de la famille, elle en est la gardienne. C’est sa part dans le ménage, et Rousseau n’épargne ni les descriptions pittoresques, ni les tableaux riants, pour lui en faire goûter les avantages. Il exalte gravement l’amour conjugal, — amour fondé sur l’estime, qui dure autant que la vie, sur les vertus qui ne s’effacent point avec la beauté, sur les convenances des caractères qui rendent le commerce aimable et prolongent dans la vieillesse le charme de la première union. C’est par cette sorte d’hymne qu’il clôt les derniers conseils qu’il adresse à Émile et à sa compagne, heureux de leur faire entrevoir à ce prix « le paradis sur la terre » qu’il a rêvé pour eux.

Le paradis est d’autant plus séduisant que Rousseau semble ne rien refuser aux femmes de ce qui peut y marquer