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d’écrire sur les mérites des femmes, et qu’à l’Ermitage Mme d’Épinay dont, à cette époque, il était l’oracle familier, le consultait tout particulièrement sur la direction qu’elle donnait à sa fille. La Nouvelle Héloïse enfin était terminée, et les deux premières parties de l’histoire de Julie, qui a tant de traits communs avec Sophie, avaient été livrées au public avant qu’il eût entrepris le dernier chapitre de l’Émile[1]. Il arrivait donc à son sujet, l’esprit aiguisé par la controverse et tendu par la réflexion, non comme à une conclusion de sentiment, mais comme à un exposé de doctrine.

I

On le sent à la fermeté des principes sur lesquels il s’établit. Il serait difficile de poser avec plus de force les prémisses d’un raisonnement plus juste. Sophie doit être femme comme Émile est homme, c’est-à-dire être pourvue de ce qui lui est nécessaire pour remplir son rôle dans l’ordre physique et moral. En tout ce qui ne tient pas au sexe, la femme est homme : elle a les mêmes besoins, les mêmes organes, les mêmes facultés. Mais si, en ce qu’ils ont de commun, les deux sexes sont égaux : en ce qu’ils ont de différent, ils ne sont pas comparables : ainsi le veut la sage et inflexible loi de la nature. Une femme parfaite et un homme parfait ne doivent pas plus se ressembler d’esprit que de visage. C’

  1. La Nouvelle Héloïse a été écrite de 1757 à 1759, l’Émile de 1757 à 1761.