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leurs années en accroissant leurs connaissances ? Nous ne fournissons point de ces suppléments-là. » Elle ne conseillait d’ailleurs à personne de « se perdre » dans de longues lectures. On sait comment elle les faisait elle-même : courtes, de choix, et toujours en prenant des extraits. C’est, à son sens, le seul moyen d’arrêter l’esprit sur le détail, qui pénètre et se grave ; elle compare la délicatesse du goût rendu attentif par le travail de la plume aux effets du microscope qui rend sensible ce qui échappe à la rapidité du regard : plaisir mêlé et que l’on se conteste quelquefois à soi-même, car les délicats sont malheureux ; mais ils jouissent si amoureusement de leur peine ! Aussi bien cette jouissance n’est-elle que l’aiguillon de la réflexion d’où doit sortir le profit véritable. Le bienfait décisif de la lecture est dans le quart d’heure qui la suit. « Celle-là seule sait lire qui sait prolonger et étendre en soi le sentiment de ce qu’elle a lu : accoutumons-nous à penser ; c’est chez nous un talent qui se repose. »

Tout aboutit chez Mme de Lambert à ce conseil suprême : « se donner ses heures, se mettre à part, pratiquer la retraite de l’âme, savoir être en soi. » — Être en soi, c’est jouir de ce que l’on est et de ce que l’on a : il faut des repos pour le bonheur ; il suffit de si peu de chose pour troubler notre quiétude : le moindre mal qui puisse nous arriver des ébranlements trop répétés ou des excitations trop vives, c’est de faire échapper ce qu’on tient en attendant ce qu’on désire. — Être en soi, c’est s’appuyer sur sa raison, temporiser avec ses sentiments, haine ou amour, pour arriver à les maîtriser, ne point composer avec ce qui est du train de la volupté,