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de scrupules. C’est une fidélité de plus à Fénelon. Elle écarte, par exemple, les sciences abstraites, « qui démontent les ressorts de l’âme » ; elle proscrit avec la même rigueur les romans, « qui ne mettent dans l’imagination que du faux » ; elle a besoin d’y regarder à deux fois pour autoriser la lecture des tragédies de Corneille. Quel que fût son goût pour certaines imaginations de Platon, ce n’est pas elle qui aurait admis, comme le chevalier des Dialogues de Perrault, que les dames en sont les meilleurs juges. Elle redoute, en un mot, tout ce qui ne sert qu’à la montre, « les jeunes filles devant avoir sur les sciences une pudeur presque aussi délicate que sur les vices[1] » — tout ce qui peut porter atteinte à la justesse de l’esprit, « la femme comme l’homme ne pouvant trouver que dans cette justesse sa sécurité et sa force. » Penser sainement est à ses yeux la condition suprême de la vertu et du bonheur. La solidité est un mot qui revient presque aussi souvent sous sa plume que sous celle de Mme de Maintenon. Mme de Caylus ne dut-elle pas se croire rentrée à l’école de sa tante, lorsqu’elle l’entendait si souvent recommander à la marquise de Saint-Aulaire « d’entrer en société avec sa raison » ? Mme de Maintenon elle-même aurait-elle désavoué cette maxime : « Le divorce que nous faisons avec nous-même est la source de tous nos égarements ; quand nous

  1. Elle fait notamment à ce sujet ses réserves sur le latin. Au temps de Mme de Sévigné, elle aurait été moins scrupuleuse peut-être; mais elle avait sans doute entendu raconter par le président Hesnault l’histoire de Mme d’O…, qui, « ayant, à la lecture de Lucrèce, attrapé le sens de quelques mots par analogie avec le français, s’était mise couramment à traduire l’auteur de la Nature des choses d’après l’idée qu’elle s’était faite. »