grande affaire pour elle, c’est que la mère ne s’en sépare point. Les couvents lui avaient toujours déplu. Elle ne s’expliquait point qu’elle eût eu jadis le courage de mettre Mme de Grignan aux filles de Sainte-Marie de Nantes et de céder à la barbarie de la coutume : « Il n’est point d’éducation qui se puisse faire au couvent, disait-elle, ni sur le sujet de la religion, que nos sœurs ne savent guère, ni sur les autres choses. » Et puis, quelle joie d’élever un enfant ! « Hélas ! quand on n’a que sa pauvre vie en ce monde, pourquoi se priver de ces petits plaisirs-là ! » Fallait-il tant s’inquiéter de l’établissement de Pauline ? La Providence en prendrait soin : « son esprit sera sa dot. » Mme de Sévigné appelait à son aide M. de Grignan : qu’il intercède pour sa « favorite, » car elle est aussi la sienne qu’il la protège contre « la philosophie » de sa mère ! Pauline a des défauts, de la brusquerie, de l’humeur. « Serait-ce donc qu’elle aurait quelque sorte de rapport à vous-même par ce que vous avez de moins bon ? écrit-elle à Mme de Grignan ; vous attendiez -vous qu’elle fût un prodige prodigieux, un prodige comme il n’y en a pas ?… Eh ! tant mieux si elle n’est pas parfaite ! vous vous divertirez à la repétrir. » Aussi bien n’a-t-elle pas également ses qualités ? Mme de Sévigné les relève, les analyse, y revient à chaque progrès de l’âge : « si elle n’est pas aussi belle que la Beauté, elle a des manières : c’est une petite fille à croquer. » Et vienne la jeunesse, ses jolis yeux bleus avec leurs paupières noires, cette taille libre et
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